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Sandrine et Valérie, agents du Département

Sandrine et Valérie , agents du Département
Retrouvez le témoignage de :
  • Sandrine Bonnefoy Cortial, 54 ans, Responsable de la cellule d’aide et de soutien pour l’enfance et l’adolescence en danger
  • Valérie RABERIN, 47 ans, assistante socio-éducative à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) au service de placement familial, sur le Territoire du Velay

Sandrine et Valérie travaillent au sein du Département de la Haute-Loire.

 

Sandrine Bonnefoy Cortial :


J’ai vécu cette crise sanitaire de différentes manières.

« Au départ, l’annonce de ce confinement a été brutale pour moi. Je me demandais comment j’allais pouvoir continuer à exercer ma profession sans être au bureau. Le télétravail semblait très complexe à organiser. »

Ma fonction consiste à recueillir et à traiter des informations préoccupantes qui concernent des enfants et des adolescents. Concrètement, mes journées sont rythmées par des appels téléphoniques, des mails de professionnels ou de personnes souhaitant signaler des situations d’enfants en danger ou susceptibles de l’être. Ce métier fait que je suis en relation permanente avec les différents acteurs qui œuvrent dans le champ de l’enfance : enseignants, assistantes sociales, professions médicales, para médicales, institution médico - sociale, magistrats.

Je me demandais comment j’allais pouvoir maintenir ce réseau en étant confinée à domicile. Heureusement je savais que le logiciel de traitement des dossiers me permettrait d’avoir la lisibilité des situations depuis mon domicile alors que je n’avais plus directement accès aux dossiers papiers.

Bref, j’avais vraiment du mal à me projeter. Mais nous n’avions pas le choix.

« Face à cette situation inédite, il fallait inventer une autre façon de travailler. »

En temps normal nous sommes trois à travailler au sein du service. J’ai pris à ma charge l’accueil téléphonique dans son intégralité. J’ai fait transférer les lignes de la CASED sur mon portable professionnel. Mes deux autres collègues sont ponctuellement revenus au bureau pour assurer la gestion administrative et éviter d’accumuler du retard dans le traitement des dossiers. Je revenais seulement sur site pour imprimer des mails et consulter des dossiers, traiter la réception du courrier postal.

Et tout compte fait, ce démarrage s’est révélé très excitant. Nous étions en train de créer une organisation de travail unique.

« Certes, j’ai tâtonné un peu au départ mais au bout d’une ou deux semaines d’ajustements j’ai trouvé mes marques. »

Vers la fin du mois de mars, l’excitation s’est dissipée pour laisser place à une grande fatigue.

« A cette période, les appels et les mails étaient incessants. J’avais toute la journée le téléphone vissé à l’oreille et un œil sur la boite mail dans le cas où une urgence tomberait.
Je recevais beaucoup de signalements qui évoquaient des violences intra familiales, des violences verbales, physiques. L’activité s’est vraiment intensifiée. Cela a créé du stress car l’enjeu de la protection de l’enfance est important. »

Nous devions absolument éviter toute rupture dans l’activité du service. Nous devions être performants dans nos missions de protection de l’enfance et ce quelle que soit la situation.

J’étais réellement sous pression. J’appréhendais la journée avant même qu’elle ait commencée.
J’ai alors essayé de prendre davantage de temps pour recharger les batteries.

Ce confinement nous a indéniablement bousculés dans nos habitudes, nos repères, mais il a eu le mérite aussi de mettre à jour de belles choses. Je me suis rendu compte, notamment, que nous avions avec nos collègues, nos partenaires (magistrats, associations, institutions…) des rapports vraiment privilégiés, que nos liens professionnels étaient solides. Tous les jours j’avais des échanges avec la Directrice Enfance et nous pouvions partager nos réflexions. Cela fait du bien.

« Nous sommes aujourd’hui à la fin de cette crise et je m’interroge beaucoup sur les conséquences de cette longue période de confinement. Qu’est-ce que l’on va découvrir maintenant ? Dans quel état va-t-on retrouver ces familles que l’on n’a pas pu accompagner autant qu’on l’aurait voulu. »

Sandrine et Valérie du Département de la Haute-Loire
 
 

Valérie RABERIN :


Les deux mois qui viennent de s’écouler ont été éprouvants pour moi.

Le confinement a profondément impacté ma vie personnelle et professionnelle. Les deux se sont mélangées et cette cohabitation forcée a rendu la situation très inconfortable.

Je travaille en protection de l’enfance. Je m’occupe principalement du placement familial. Lorsqu’un jeune est confié à une famille d’accueil, je fais l’interface avec les parents. J’assiste aux rencontres parents / enfants. Dans mon métier, le contact physique direct est essentiel. Le confinement a changé la donne.

Je ne pouvais plus organiser ces rencontres en présentiel. Il a fallu utiliser d’autres modes de communication comme le téléphone ou des plateformes comme Whats’App. Mais les interactions étaient plus pauvres.

Néanmoins, c’était toujours mieux que rien.

« Notre priorité au sein de l’ASE est de poursuivre les accompagnements, d’éviter toutes ruptures dans les suivis, de maintenir autant que possible les habitudes instaurées avec les familles avant le confinement. »

Des appels entre les parents et leurs enfants remplaçaient les visites qu’ils avaient habituellement. Je faisais en sorte d’appeler les parents très régulièrement. Idem pour les assistantes familiales qui accueillent les enfants placés. Elles avaient besoin de faire le point avec nous, d’être conseillées, épaulées, écoutées tout simplement. Il fallait aussi être là pour elles. Je l’ai été encore plus qu’avant, me semble-t-il.

« Concrètement, les premiers jours, je pensais au travail H24, en me levant, en déjeunant, en mangeant, en dînant. Je passais mes journées au téléphone. »

Je faisais en sorte d’aller à l’extérieur lorsque je recevais ou passais un coup de fil. Je m’isolais régulièrement dans le jardin. J’essayais autant que possible de cloisonner mon environnement professionnel et privé. Mais je ne pouvais pas, non plus, passer mes journées dehors. Le reste du temps je travaillais donc dans mon salon ou ma cuisine. Mes enfants étaient parfois témoins d’échanges assez virulents.

« J’avais le sentiment d’être envahie par mon travail et que cela impactait ma cellule familiale. »

Le manque de contact direct avec mes collègues a été, également, difficile à vivre. En temps normal, lorsqu’on vit une situation délicate, on peut rentrer au bureau et en discuter avec les autres membres du service. Pendant le confinement, je n’avais pas ce sas de décompression. J’étais seule chez moi avec mes soucis. Heureusement que nous avions la possibilité d’échanger entre nous par téléphone et pouvoir compter sur notre psychologue.

Par ailleurs j’ai dû gérer un placement en urgence pendant cette crise sanitaire. Ce fut très déstabilisant dans ce contexte si particulier.

« Mettre un masque, devoir sortir dans les rues désertes du Puy, expliquer à des parents, avec un bout de tissu qui vous entrave la bouche, qu’on va prendre leur enfant, je n’y étais pas préparée. »

Cela ajoutait un sentiment d’étrangeté à ce moment inconfortable.

Aujourd’hui encore je suis en partie en télétravail et en service. J’ai du mal à trouver mes marques. Je me demande surtout comment je vais pouvoir repartir comme avant. Pendant ce confinement, je me suis en effet rendu compte que mon rythme était effréné et que c’était trop.

Je sais aussi que ce confinement a permis à mes enfants de mieux comprendre mon métier et sa complexité. Je repense à ma fille qui, suite à un coup de fil tendu, s’est exclamée « Maman je ne sais pas comment tu fais pour garder ton calme dans cette situation ».

 
Sandrine et Valérie des services sociaux
Merci à Sandrine et Valérie de nous avoir consacré quelques minutes pour nous faire part de leurs sentiments par rapport à la gestion des enfants placés.
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